Chapitre neuf : Tu crois que tu peux revenir comme ça

Baptist venait tout juste de sortir de chez le gynécologue avec sa femme. C'était un garçon. Dans quelques mois, Baptist serait papa et il était vraiment aux anges. Depuis le temps qu'il attendait ce moment. Donner la vie, ne pas reproduire les erreurs de ses parents, donner de l'amour à ce petit être qui grandissait dans le ventre de Maddie. Il raccompagna sa femme jusqu'à leur villa avant de prendre la direction de la maison d'Eléa. Il aurait du aller travailler mais il voulait absolument retrouver sa meilleure amie pour lui faire part de la nouvelle. Dans sa voiture, il appela l'hôpital pour expliquer son absence et quelques instants plus tard, il sonnait chez Eléa.

Pourtant, il ne pensait pas que son bonheur serait de courte durée et contrastée avec les larmes de la demoiselle. Il ne pu s'empêcher de la prendre dans ses bras tandis qu'elle lui expliquait que son fils grandirait sans père, que Micah était en prison et qu'elle ne voulait pas de lui dans sa vie. Baptist l'embrassa alors sur le front avant de lui murmurer ces mots « Tu as pris la bonne décision et je serais toujours là pour toi et pour le petit »

Ce n'était pas des paroles en l'air. Baptist a toujours été la pour la jeune femme et, jusqu'à ce qu'elle disparaisse, elle a toujours été sa meilleure amie, celle qui comptait le plus dans sa vie, plus même que sa femme. Si ses parents n'avaient pas tenu les rênes de sa vie, peut-être bien que c'est elle qu'il aurait décidé d'épouser mais pourtant, ils sont toujours restés simplement amis. Et son rôle en tant que parrain du petit, c'est de faire en sorte que les volontés d'Eléa soient respectées et l'une d'elle concernait l'homme qui était à quelques mètres devant lui. Micah. Cela faisait maintenant plusieurs minutes que Baptist le surveillait alors qu'ils étaient devant l'école primaire de Waterford, l'école où Celian était scolarisé. L'ancien médecin cherchait le meilleur moyen de l'aborder. Pas question de tourner autour du pot ou de prendre des pincettes. Il attendit alors que la sonnerie de l'école retentisse avant de s'approcher de Micah et de poser une main sur son épaule pour le forcer à se retourner.
« Ça ne sert à rien de l'attendre, il ne sortira pas, il est malade. »
Volontairement, Baptist avait utilisé le tutoiement. Il n'avait aucun respect pour cet homme et il comptait bien lui dire ce qu'il pensait de son comportement. Levingston aimait Célian presque autant que son propre fils et il ne laisserait pas le père du gamin revenir dans sa vie et profiter de la mort d'Eléa.
« Qu’est-ce qu’il a ? C’est grave ? »
Eléa avait commencé à fréquenter Micah lorsqu'elle et Baptist avaient décidé de mettre un peu de distance dans leur amitié. Maddie ne voyait pas d'un bon oeil que son mari passe plus de temps avec l'irlandaise que dans son propre foyer. Si Levingston voulait éviter des querelles ou des leçons de morale de la part de ses parents, il devait faire des efforts. Evidemment, il n'avait pas totalement perdu le contact avec la jeune Gamble. Ils avaient continué à correspondre avec des lettres. Il avait ainsi appris l'existence de Micah avant de le rencontrer quelques semaines plus tard. Pourtant, on ne peut pas dire que l'homme ait fait bonne impression à Baptist bien au contraire. Il n'y avait pas eu vraiment d'éléments concrets et c'était peut-être au départ, juste de la jalousie de la part de l'homme mais ce sentiment s'était pourtant révélé proche de la vérité lorsque la jeune femme lui avait annoncé son incarcération. Et lorsque Célian lui avait parlé de l'homme, Baptist avait vu rouge. Il le voyait venir avec son sourire et son air angélique mais Baptist n'était pas dupe. Pour lui, ce n'était pas les sentiments qui dictait le comportement de Micah et il refusait que Célian ne souffre encore. Le pauvre garçon méritait d'avoir un peu de bonheur et revoir son père n'était certainement pas la meilleure chose actuellement.

Et Micah avait beau être sincère, Baptist n'y croyait pas le moins du monde. Pour lui, il y avait de l'intérêt derrière ce regain soudain, cette envie subite de paternité. Baptist avait retrouvé son filleul et il comptait bien veiller à son bonheur et essayer de le rendre heureux. Il espérait tellement pouvoir lui offrir un foyer et c'était pour cela qu'il s'était lancer ardemment dans une recherche de boulot. Il ne comptait pas partager l'enfant avec cet inconnu. Il était jaloux, certainement, possessif, probable mais surtout il avait terriblement besoin de Célian pour garder la tête hors de l'eau et pour continuer de se battre et il ne laisserait personne le lui prendre et encore moins un ancien taulard.
« Qu'est ce que ça peut te foutre ce qu'il a ? T'es rien pour lui, tu sera jamais rien alors laisse le tranquille
- Je suis son père, que tu le veuilles ou non. Et je m’inquiète pour lui et pour sa santé. »
Son père. Ah la bonne blague. Pour Baptist, Micah n'avait rien fait, rien eu d'un père pour le petit Célian. A commencer par du respect pour sa mère, pour sa fiancée. Il lui avait menti, il avait vécu une double vie avant de se faire enfermer. C'était peut-être la meilleure chose qui était arrivé à Eléa.
« Son père ? J'aurais plutôt dit son géniteur.
- Même si je n’ai pas été là physiquement, j’étais là. Je veillais sur lui, au loin. Et je compte aujourd’hui me rattraper de toutes ces années perdues ! Tu ne m’en empêcheras pas, c’est comme ça. Il va falloir que tu t’y fasses.»
Mettre une femme enceinte, c'est à la portée de tous les mecs mais assumer ses responsabilités, ça s'est autre chose. Et pour cela, on ne peut pas dire que Micah ait été à la hauteur. Et du point de vue de Levingston, c'était la pire faute qu'un homme puisse commettre. Le fait qu'aujourd'hui, enfin, il semble s'inquiéter pour le petit et avoir envie d'assumer, c'était trop tard. S'il voulait profiter du décès d'Eléa pour récupérer l'enfant, il risquait de voir Baptist se dresser sur son chemin et il lui arrive d'être encore pire qu'un chien de garde lorsqu'on touche à Nathan, Célian ou à sa future fille.
« Tu t'inquiète pour lui ? C'est nouveau ça ? T'étais où lorsqu'il a fait sa première dent ? Lorsqu'il faisait des cauchemars ? Lorsqu'il s'est cassé la jambe ? Arrête avec tes phrases à deux balles de père modèle
- Ca a toujours été le cas ! Je me suis inquiété pour Célian, tout le temps, mais tu n’as pas été là pour le voir. Que je n’ai pas été là ne change rien à ça. J’ai fait la bêtise de m’effacer, Baptist, mais c’est terminé.. »
Heureusement, les deux hommes étaient un peu à l'écart de l'école, à l'écart des regards indiscrets. Au loin, la cloche sonnant la fin des cours venait de sonner et beaucoup de petites têtes blondes sortaient en courant de l'école pour se réfugier dans les bras de leurs parents. Ce n'était pas le cas de Célian qui devait être cloué au lit. Baptist l'avait vu samedi dernier et il était pas vraiment bien. Ils avaient rendez vous ce matin au parc mais personne et Baptist s'était alors douté que la maladie avait été plus forte. Et il avait profité de l'absence du gamin pour aborder Micah et lui faire comprendre qu'il n'était pas le bienvenue. Et évidemment, O'Clery essayait de l'amadouer, de se trouver des excuses en faisant croire qu'il avait toujours été là pour son fils.
« C'est facile de dire cela mais comment tu peux veiller sur quelqu'un en étant absent ? Arrête son cinéma de bon père de famille, ça prend pas avec moi.
- Comment tu peux oser me balancer ça en pleine figure, alors que t’es père, toi aussi ! Et que tu as fait de la taule, en prime. Tu as été séparé ton gamin et tu essaies de me séparer du mien. Tu joues sur l'ironie, Levingston ? »
Il ne pensait pas que Micah serait alors capable de l'attaquer sur un point sensible. Sur son fils et sur la taule. Il avait envie de crier qu'il n'y était pour rien, qu'il avait céder aux menaces pour protéger son enfant. Mais il savait aussi qu'il ne pouvait rien dire et cela le faisait rager. Il serra les poings et son regard se fit encore plus dur envers cet homme qu'il n'aimait pas. Et ce n'était pas en parlant de la prison et de l'absence de Nathan qu'il allait se faire un ami. Et il trouvait cela vraiment minable qu'il compare leurs deux histoires. Ce n'était pas du tout la même chose et ça, Baptist comptait bien le lui faire comprendre. Il se permettait de le juger alors qu'il n'avait pas été là pendant les premières années de la vie de Célian, qu'il ne savait pas comment Baptist se comportait avec son fils ou son filleul. D'accord, il ne connaissait pas l'histoire de cet homme qu'il prenait pour un rival mais ce qu'il savait été suffisant, de son point de vue.
« Contrairement à toi, j'ai jamais trahi ma femme, jamais trahi mon fils. Tu ne connais rien de mon histoire, alors ferme là
- Tu ne connais pas mon histoire non plus. Tu parles, me crache des choses à la figure, mais tu es incapable de faire la même chose. Tu te penses bien, toi aussi, parfait sur tous les points ? Regarde-toi en face avant de me cracher à la figure.
- Détrompe-toi, je ne me pense pas parfait mais moi je peux toujours me regarder dans la glace. J'ai pas toujours fait des choses bien, mais j'ai toujours agis en faisant passer le bien-être de mon fils avant tout le reste. »
C'était fou comme il l'agaçait juste par sa présence. Et son côté donneur de leçons, c'est encore pire que tout. Pourtant, il préféra ne pas répondre même s'il savait que c'était donné raison à cet homme.
« Eléa a toujours été très heureuse avec moi. Je ne lui ai jamais fait aucun mal, tu entends ? Je n’en ferai aucun à Célian non plus.
- Ne prononce pas son prénom. Et je t'interdit de dire que tu ne lui a pas fait de mal, c'est totalement faux.
- Je lui ai caché beaucoup de choses. Physiquement, tu ne peux pas dire que je lui ai fait du mal.
- Mais tu crois quoi, hein ? La douleur moral est souvent bien plus importante que la douleur physique. Mais t'es trop occupé à te chercher des excuses. »
Il croyait quoi ? Que cela avait été facile pour la jeune femme d'admettre qu'il lui avait menti, de prendre la décision de l'interdire de voir son enfant ? Ce n'était pas lui qui avait consolé Eléa pendant plusieurs jours après leur séparation, qui avait essayé de lui remonter le moral pour le bien être de son bébé.
« Ce n'était pas ce qu'elle pensait. Si elle avait décidé de t'interdire de le voir, elle devait certainement avoir ses raisons et t'as pas le droit de profiter de sa mort pour aller à l'encontre de sa volonté.
- Tu penses à Célian ? Et s’il avait besoin de son père ? Ton avis, je m’en fous. C’est le sien, que je veux. Le tien n’a aucune importance. Je verrais Célian, c’est comme ça.
- Tu crois vraiment que tu peux effacer tes années d'absence ? C'est vraiment moche de se servir de la peine d'un gamin pour se faire passer bon un gentil papa.
- Je ne prétends pas être parfait, mais j’ai tout de même le droit de vouloir prendre mon rôle. C’est Célian qui décidera de me laisser une chance ou non, pas toi. Tu n’as pas à faire un choix pour lui et si tu tenais réellement à ce garçon, tu ne me mettrais pas des bâtons dans les roues. »
Il savait que Célian avait beaucoup de mal à accepter la mort de sa mère et qu'il serait certainement ravi de retrouver son père. Mais ce n'était pas bien pour lui, pour son épanouissement. Micah n'est simplement pas le genre de mec fréquentable pour un gamin de dix ans.
« Je lui dirai la vérité ! Et s’il veut encore de moi, je serai là aussi. Enfin, t’as peur de quoi ? Je ne vais pas l’empêcher de te voir !
- Je fais que ça de penser à lui, cela fait dix ans que ça dure. Evidemment qu'il va vouloir de toi, il vient de perdre sa mère et il est pas très bien et il t'idéalise depuis tant d'années. Il croit que t'es un super-héros mais tôt ou tard, il découvrira la vérité et moi, je serais encore là pour lui. 
- Je te suis redevable pour ce que tu fais pour lui, mais j’ai besoin de le voir. Que je sois là ne changera rien à toi. Célian te verra toujours comme son parrain. Je ne cherche en aucun cas à te chasser de sa vie. Je cherche juste à avoir une place.»

Il arrivait des fois à Baptist de se demander comment une fille comme Eléa avait pu craquer sur un bad boy comme Micah. Le genre de type insupportable dès le premier regard et pourtant, elle n'avait juré que par lui pendant plusieurs mois jusqu'à ce qu'elle apprenne sa véritable nature. A croire que ce salaud de cupidon avait un grand souci au niveau de sa visée. S'il avait utilisé ses flèches entre Eléa et Baptist, aucun doute qu'ils auraient formé un couple heureux et un foyer accueillant. Mais au moment où l'homme aurait pu lui avouer ses sentiments, alors qu'il venait d'apprendre la tromperie de sa femme, la mère de Célian lui annonçait qu'elle était enceinte de Micah et que c'était l'homme de sa vie. Il s'était alors résigné, il avait alors gardé tout cela pendant des années et aujourd'hui, il avait certains regrets. Il se souvenait qu'elle lui avait dit un jour qu'elle l'aimait avec un grand H. Un lapsus qui avait été au final très révélateur. Mais aujourd'hui, il recrachait tous ces regrets sur Micah et il se plaisait à le détester. Pourtant, malgré tout, il savait bien qu'il n'aurait jamais le dernier mot, que si Célian le savait, il ferait tout pour retrouver son père malgré ses défauts, malgré son passé, malgré la peine qu'il avait fait à sa mère. Et apparemment, il n'arriverait pas à faire suffisamment culpabiliser Micah pour que celui-ci se décide à partir loin, très loin. A court d'arguments, il gardait le silence et le fait que l'homme en face de lui ne voulait pas enlever Célian de sa vie le rassurait un peu même s'il avait toujours peur pour son filleul. Sans un mot, sans un regard, il tourna alors les talons et rejoignit la route pour partir en direction de son appartement mais aucun doute, les deux hommes se reverraient.

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